Saez pousse son premier cri en
août 1977, quinze jours avant qu'Elvis Presley n'aille frapper aux
portes du Paradis et au moment précis où les Sex Pistols prônent
l'anarchie. Neuf ans plus tard, Saez entre au conservatoire, apprend le
piano et étudie assidûment le solfège, jusqu'à
développer une oreille absolue. Mais le classicisme a ses limites,
le gamin déplore l'absence d'espace laissé à la composition,
il préfère se mettre à la guitare, en autodidacte cette
fois. Le ver s'immisce irrémédiablement dans le fruit défendu,
les temps changent.
Depuis, l'évolution musicale de cet auteur-compositeur lumineux a
toujours été en perpétuel décalage. Provocateur
torturé, romantique hanté par la mort, ce personnage contrasté
fait figure d'Oedipe Roi, portrait crashé d'une jeunesse sans repère,
abîmée, immolée sur l'autel de l'uniformisation. Sur
le toboggan d'une voix aux multiples octaves, Saez envisage la force du
rock comme un vecteur expressionniste, nourrisseur de rêves.
Ses textes lui ressemblent, tranchants comme la faux de la mort, ses décibels
sont rebelles et sa gueule d'amour crache autant de venin qu'elle fait tourner
les têtes. Simple, innocent et frais comme du bon pain, Saez traîne
sa dégaine de sale gosse effronté. Il se met en avant pour
exister, s'impose de lui-même et, finalement, emmerde tout le monde.
Il aime prendre des risques, faire croire qu'il va déraper pour mieux
se rattraper, prêcher le vrai pour dénicher le faux. On le
croit sombre, mais sa lumière est polaire. On le voudrait glamour,
mais ses reflets sont métalliques. Il est Saez et personne d'autre,
un artiste bombardé d'émotions qui, à lui seul, parvient
à sonner comme un groupe. |
 |
En 99, Saez délivre son tout premier album, au titre directement
inspiré du « Strange Days » des Doors, enregistré
à Paris entre les studios Gang et Plus XXX. Jours Etranges, manifeste
flamboyant évoquant les affres d'un millénaire en pleine
implosion :
« Comme un soleil de fin de siècle/Qui se couche entre tes
bras » ("Jours Etranges "), « Voici venue la fin
des siècles/Et l'injustice court toujours/A pleine rue ça
crie les appels au secours/Mais aujourd'hui le peuple est bien soumis/Violence,
puissance, inconscience/Entrer dans le monde de l'intolérance/Et
ça fait de l'audience pour le peuple de France ». ("Sauver
cette etoile").
Saez assure l'ensemble des guitares bruitistes et des claviers intimistes
d'un disque hors du commun, réalisé par Marcus Belf (ex-bassiste
de The Opposition) et Jean-Daniel Glorioso, mixé en partie sous
la houlette de Ron St. Germain, célèbre pour ses travaux
aux côtés de Lou Reed, Ornette Coleman, Soundgarden,U2,Jimi
Hendrix, ou encore Sonic Youth
Au fil de chansons poignantes et percutantes, Saez souffle le chaud et
froid, alternant poésie pure (« Le soleil et la mer/Se marient
devant nous/Comme une croix au ciel/Nos vies sont à genoux/Mais
nos coeurs ont des ailes »), humour corrosif (« Même
plus envie de baiser mon chien/Depuis que t'es plus dans mon lit/J'ai
plus que des balles à me tirer »), et révolte contre
l'absurde (« Encore une soirée où la jeunesse France/Encore
elle va bien s'amuser dans cet état d'urgence/Alors elle va danser,
faire semblant d'exister/Qui sait si l'on ferme les yeux, on vivra vieux
»). Et ce premier CD d’une star en herbe va exploser comme
LA révélation rock du printemps 2000. “Jeune et con”,
ouverture magistrale à base de guitares martelées et de
textes assassins . Fil conducteur de “Jours étranges”,
la révolte enflamme les chansons de Saez. Déjanté
comme Manset, halluciné comme Cobain, surréaliste comme
Morrison, mythique comme son mentor Lou Reed, hanté par tant d’icônes,
Damien Saez offre au rock français sa Rédemption dans le
feu des riffs et de ses textes brûlots.
Il est temps pour Damien de se téléporter
sur scène et d'aller à la rencontre de son public, ce qu'il
fait durant six mois dans le cadre d'une tournée qui sillonne l'Hexagone
et passe également par la Suisse, la Belgique et l'Italie. L'occasion
pour Damien de vérifier que le phénomène Saez est
en marche : des milliers de fans connaissent et chantent les paroles de
ses chansons par cœur. La "Saezmania" bat son plein et
pour ce petit prince subversif, insoumis, insolent, teigneux et jusqu'au-boutiste,
cette communion signifie "Allons à la guerre en chantant !"
Bien au-delà d'un coup d'essai,
un coup de maître .
Après avoir publié A ton nom aux éditions Actes Sud
(un recueil d'anciens et de nouveaux textes parmi lesquels des inédits),
Saez nous offre en 2002 God blesse, double album kaléidoscopique,
fruit de plus d'un an de travail forcené en studio. Véritable
voyage intérieur, God blesse explore un vaste horizon musical où
se conjuguent rock lycéen, ballades s'inscrivant dans la grande
tradition de la chanson française, techno hardcore, ambiances psychédéliques
et thèmes emprunts d'un classicisme rigoureux. God Blesse est un
album sombre au réaliste indescriptible .
Enregistré sous la houlette de Théo Miller (Infinite Mass,
Mr. X, Placebo), God blesse regroupe des musiciens aussi divers que James
Eller (Tony Banks, Julian Cope, Nick Lowe, The Teardrop Explodes), Jérôme
Godet et Chris Taylor à la basse, Maxime Garoute et Clive Deamer
(Jeff Beck, Dr. John, Champion Jack Dupree, Portishead) à la batterie,
Franck Phan à la guitare (également co-compositeur de "Solution",
"Sexe" et "Light The Way"), ou encore Martin Jenkins
(Bert Jansch, Ocean Colour Scene, Black Box Recorder) à la programmation.
Confiés à Eumir Deodato (Frank Sinatra, Aretha Franklin,
Kool And The Gang, et la majorité des chansons de l'album Post
de Björk), les luxuriants arrangements de cordes furent enregistrés
par Wayne Wilkins, célèbre pour ses travaux aux côtés
de Johnny Cash. De son côté, outre le chant, Damien assure
l'ensemble des guitares et l'intégralité des claviers, dont
de poignantes parties de piano prouvant que les neuf années passées
au conservatoire furent particulièrement bénéfiques.
Soufflant le chaud et le froid, entre néo-romantisme ("So
Gorgeous") et pornographie ("'Sexe"), révolte contestataire
("Solution", "J'veux du nucléaire") et poésie
pure ("Saint-Pétersbourg", "Les hommes", "Menacés
mais libres", "Les Condamnés"), l'ensemble s'achevant
somptueusement dans le surréalisme exacerbé de "Voici
la mort", Damien Saez radicalise son propos, dénonce la mondialisation,
le pouvoir de l'argent, la haine, la violence, la guerre, et signe ici
son projet le plus ambitieux, le plus flamboyant et le plus torturé,
à l'image d'une génération dont les rêves semblent
condamnés à errer entre le sens des mots et l'essence des
notes, faisant de God blesse un précieux recueil à l'intention
d'une jeunesse déracinée.
|